Neuf mois et tant d'émotions

Au tout début, il y a eu la joie : une joie intense, rose, sucrée. La joie et la sidération de voir enfin, pour la première fois de ma vie, un test de grossesse virer au positif.
C'était un samedi matin d'avril, je ne travaillais pas, je n'avais pas encore tout à fait du retard dans mon cycle mais je sentais que, cette fois, c'était différent. Cela aurait pu se finir comme chaque fois que j'avais cru sentir quelque chose, pendant ces longs mois d'essais, par une vague de déception et mes larmes essuyées sur l'épaule de Glenn, mais non. Assise sur la lunette des toilettes, j'ai pleuré de bonheur en tremblant de tout mon corps, puis je suis retournée au lit pour annoncer la nouvelle au futur papa. J'étais tellement bouleversée que je n'arrivais même pas à parler et, comme il commençait à s'inquiéter, mes premiers mots ont été : "Je suis désolée..." puis "Je suis enceinte !" Pas vraiment de quoi être désolée, finalement.
Nous avons passé les jours suivants sur notre petit nuage, dans une bulle de douceur, à savourer ce petit secret qui n'appartenait encore qu'à nous. Glenn a émis deux pronostics : ce serait un garçon, et tout se passerait bien. C'est aussi à ce moment-là que nous commençons à l'appeler l'hippocampe.

Très vite, trop vite, l'angoisse s'est invitée à la fête, telle la mauvaise fée que personne ne veut voir. Des pertes brunes nous ont conduits aux urgences. Une échographie plus tard, nous voilà un peu rassurés (mais pas vraiment grâce au médecin qui la pratique, qui mêle à merveille condescendance et absence d'empathie). Ces petits saignements perdureront plusieurs semaines, et je suis arrêtée.
L'angoisse ne m'a par la suite jamais vraiment quittée. Était-ce d'être, grâce à Internet et à mes lectures, un peu trop bien renseignée ? Je savais que le rêve pouvait virer au cauchemar. J'allais à chaque échographie le cœur battant à l'idée de rencontrer mon hippocampe mais la peur au ventre à l'idée que, peut-être, son petit cœur à lui ne battrait plus. Ou que, peut-être, on lui découvrirait une malformation, une grave maladie (je vous laisse donc imaginer la montée d'angoisse quand il a fallu passer une échographie cardiaque pour une sombre histoire de nuque trop épaisse à l'écho des 5 mois... mais, là encore, nous sommes restés chanceux puisqu'elle a confirmé la bonne santé de notre bébé).
Heureusement pour moi, l'hippocampe s'est avéré au bout de quelques mois un grand gigoteur, si bien que je le sentais bouger plusieurs fois par jour. À partir de là, j'ai eu plus de facilité à gérer mes angoisses, même si j'ai gardé jusqu'au bout la crainte d'un décès in utero.


Il y a eu aussi de la déprime. Pendant cet horrible premier trimestre où je n'arrivais presque plus à m'alimenter et où j'ai passé plusieurs semaines couchée sur mon canapé, un gant de toilette humide en travers du front. Je me répétais que je ne m'attendais pas à ce que ça soit "comme ça", que rien ni personne ne m'y avait préparée. Dans les jours qui ont précédé le début de mon traitement médicamenteux, alors que je ne pouvais plus rien manger sans aussitôt le vomir, je me suis même retrouvée à me dire qu'au moins, si ma grossesse devait s'arrêter, je ne me sentirais plus aussi mal... Et bien sûr, je me suis trouvée horrible de nourrir de telles pensées.
Et puis je l'avoue avec un peu de honte, j'ai connu parfois aussi la déprime des interdits alimentaires (et encore, j'étais immunisée pour la toxoplasmose...). Glenn pourra témoigner de ce fameux jour où j'ai eu les larmes aux yeux au rayon fromages du supermarché... Et que dire de Noël et de sa profusion de mets délicieux, mais absolument pas grossesse-friendly ? À cette époque de l'année, s'ajoutait à ma frustration le fait de me savoir proche de mon terme : comment s'organiser ? Que prévoir avec la famille ?

Parce que oui, bien sûr, il y a eu de l'impatience. L'impatience de ne plus vomir. L'impatience de le sentir bouger. Et surtout, surtout, l'impatience de le rencontrer enfin. De découvrir les traits de son visage, la couleur de ses yeux et de ses cheveux. De le tenir dans mes bras. De cesser d'avoir peur qu'il ne meure subitement (si j'avais su...).
À la fin, il n'y avait presque plus de place que pour elle : je ne me sentais pas si mal (en comparaison de mon horrible premier trimestre, la suite de ma grossesse m'a paru bien plus agréable) mais je voulais accoucher, de préférence en 2017 (pour plein de raisons, bonnes ou mauvaises...). Avec mon terme au 1er janvier, cela me semblait envisageable, mais on ne cessait de me dire que mon bébé restait haut. Je commençais à avoir peur du déclenchement, que mon gynécologue me promettait pour le 2 janvier au plus tard... Je n'avais pas refusé son déclenchement de convenance, qui m'aurait permis de satisfaire mon souhait d'accoucher en 2017, pour être déclenchée après le terme ! Bref, je comptais les jours et les contractions...

... alors que, déjà, la nostalgie pointait le bout de son nez, douce-amère. Je l'aimais, mon beau ventre rond. J'aimais me savoir accompagnée partout par ce bébé dont je sentais les mouvements et les coups. Je savais déjà que tout cela me manquerait... sans avoir encore idée d'à quel point.

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