Mon corps d'après

Le lendemain de la césarienne, je me suis sentie comme un champ de ruines, et les quelques photos prises par ma sœur en visite me confirment encore que ce n'était pas qu'une impression.


J'étais épuisée d'une nuit à souffrir, une nuit sans presque dormir si on excepte le temps de l'anesthésie. Je portais la robe dans laquelle je m'étais présentée à la clinique, parce que le pyjama que j'avais prévu ne convenait pas en raison de ses manches longues. Mon visage était bouffi, mes cheveux emmêlés. Sur mon bras gauche s'étalaient deux impressionnants bleus, souvenir d'une tentative de perfusion et d'une perfusion réussie. Mon bras droit, lui, arborait les marques rouge sombre laissées par le brassard du tensiomètre. Et bien sûr, il y avait mon ventre. Mon ventre dégonflé, mon ventre flasque, qui s'achevait sur cet énorme pansement.

Le soir même, je me suis levée pour la première fois, soutenue de part et d'autre par une sage-femme et par une auxiliaire de puériculture. Elles m'ont aidée à marcher jusqu'à la salle d'eau, à me rafraîchir un peu, à tenter de débroussailler mes cheveux. C'était un premier pas pour me réapproprier mon propre corps que je découvrais affaibli, endolori.

Plus tard, j'ai eu le droit de prendre une douche et de mouiller le pansement qu'on allait m'ôter. J'ai vu pour la première fois ma cicatrice et son hématome. Elle était plus grande que je ne m'y attendais, et pourtant si petite quand on réfléchit au fait qu'elle a permis le passage d'un bébé.
Il m'a fallu encore du temps pour admettre qu'elle allait rester. C'est une chose à laquelle je ne m'étais pas vraiment préparée – mais je crois que j'avais tout simplement refusé de me préparer à l'éventualité d'une césarienne.

Les jours, les mois ont passé.
J'ai eu la chance de perdre très vite mes kilos de grossesse, avec même du bonus (et ce n'est pourtant pas faute de me rattraper sur le fromage). Mon ventre cependant reste flasque dans l'attente d'une rééducation que je ne me suis pas encore décidée à faire. Tout en bas, ma cicatrice sourit. Je l'apprivoise peu à peu, je crois, même si je ne lui ai pas encore tout à fait pardonné de ne pas être symétrique.
Mes seins sont gonflés de lait. Je me concentre sur leur fonction nourricière pour ne pas penser à l'après, pour ne pas me focaliser sur les vergetures qui s'y dessinent et que je n'essaie pour le moment pas de soigner, de peur de mettre la bouche de mon bébé en contact avec un produit sans doute peu efficace.
Et puis il y a mon visage dans le miroir. Les cernes sombres sous mes yeux, le sourire parfois fragile sur ma bouche. La peau de mes joues qui me paraît plus fripée qu'avant.
Ce visage-là aussi, il va rester ?

C'est violent, de devenir mère.
On s'oublie un peu, beaucoup. On camoufle, on fait illusion, ou on s'en fiche.
Mais une chose est sûre, on ne sera plus jamais vraiment la même.

Commentaires

  1. "C'est violent, de devenir mère."
    Je fais un peu illusion, mais en vrai, au fond, je suis de celles qui s'en fichent.
    J'ai vécu une césarienne pour la naissance de mon premier enfant, qui m'a fait mal dans mon corps comme je ne m'y attendais pas, qui m'a fait mal dans ma tête et dans mon cœur comme je ne m'y attendais pas non plus...
    Une cicatrice, ça évolue avec le temps, vraiment même si on n'y croit pas, ou plus ! C'est long, une vie après tout ;)

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  2. Je n'en doute pas ! Mon corps a déjà beaucoup évolué depuis cet article... de même que mon regard sur lui.
    Pour la cicatrice, je l'apprivoise, mais j'ai peur d'imaginer qu'on la rouvre un jour pour un second enfant... Enfin, ce n'est tout de même pas pour tout de suite !

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