La première partie de mon récit s'arrêtait vers 4h du matin, alors que j'attendais avec impatience d'échapper à la position imposée par le monitoring...
À son retour, la sage-femme m'apprend hélas qu'il n'est pas
question
d'arrêter le monitoring : il y a trop de ralentissements ou de pertes de
signal. Je vais devoir le garder jusqu'à la fin. Elle accepte néanmoins
que je ne reste pas allongée et on cherche donc la position qui
conciliera le mieux les contraintes du monitoring et mes besoins. Ce
sera debout, de nouveau suspendue à Glenn, et appuyée au lit pour me
reposer entre chaque contraction. J'ai chaud, très chaud, et je réclame
souvent des gants mouillés d'eau froide pour ma nuque et mon front.
Changement
de garde : la sage-femme de jour se présente, tout aussi gentille et
encourageante. Elle a lu d'emblée notre projet de naissance, ce qui nous
met en confiance. Mon col est dilaté à 7. J'ai l'impression d'avoir
trouvé un rythme mais je rencontre une nouvelle difficulté : aux
contractions violentes s'est rajouté une douleur persistante sur mon
col, pour laquelle je n'ai aucun répit. Cela m'empêche d'accueillir les
contractions comme il le faudrait : je me tends, je serre les jambes,
alors que j'ai conscience que je devrais plutôt écarter les pieds pour
m'ouvrir davantage... Mais je n'y arrive pas, la douleur me paraît
insoutenable. Mes quelques tentatives se soldent par des hurlements et
l'impression de perdre pied.
Finalement, le
cœur du bébé ne me laisse plus le choix de la position : il faut que je
me rallonge sur le côté car c'est à ce moment-là que son rythme était le
plus satisfaisant. Dans toutes les autres positions, il ralentit trop
au moment des contractions. La sage-femme m'installe un cale-pied et me
montre les barres auxquelles je peux m'accrocher pour retrouver des
appuis qui m'aident à supporter la douleur. Ce n'est pas idéal mais je
dois faire avec. J'utilise surtout mon mari en tirant fort sur son bras
au moment des contractions. J'ai mal au bas-ventre, j'ai peur pour ma
cicatrice. Je traverse une nouvelle phase très difficile. Il est 9h et
mon col est dilaté à 9. Je supplie l'axolotl de naître d'ici 10h. Je me
sens à bout d'énergie et de ressources. J'ai l'impression d'avoir
surestimé mes forces ou sous-estimé la douleur.
Enfin,
j'arrive à dilatation complète. La sage-femme me propose d'essayer de
pousser. Je me rappelle que je voulais attendre que l'envie s'impose,
mais j'ai tellement mal que je suis perdue dans mes sensations, alors
j'accepte. Je ne veux plus qu'une chose : que la douleur s'arrête. Je me
laisse même installer sur le dos, les pieds sur les cale-pieds. Je ne
voulais pas de cette position, mais j'ai perdu le contrôle à ce
moment-là et je n'arrive pas à le retrouver. La poussée est dirigée, on me dit de bloquer
mon souffle, je préfère pousser en soufflant sans savoir si je suis
vraiment efficace. Mais le bébé descend.
La
tête est là. Sauf que je n'arrive pas à la faire sortir. Mon mari me
racontera après qu'il l'a vue faire des allers-retours pendant un temps
qui lui a paru infini... Je pousse en hurlant comme je n'ai jamais hurlé
de ma vie. Je ne comprends pas ce qui bloque. La sage-femme huile mon
périnée, fait le tour de la tête de l'axolotl. Cela me brûle. Je
voudrais changer de position, je sens confusément que celle-ci ne me
convient vraiment pas, mais la sage-femme m'explique qu'il est trop tard
pour en changer et me mettre à genoux. L'auxiliaire de puériculture et
elle m'encouragent mais me disputent aussi : il n'y a que moi qui
retiens ma fille. Que moi qui puisse la faire sortir. La poussée est
trop longue, l'axolotl coincée depuis trop longtemps. On parle d'appeler
le gynécologue, le pédiatre. Et finalement la sage-femme décide de
faire une épisiotomie. Je pleure de peur d'avoir encore plus mal, et en
même temps je me dis qu'il n'y a plus que ça à faire, que ça ne passera
jamais autrement.
Et cette fois, ça passe. L'axolotl naît.
Il est 11h54, les efforts expulsifs ont duré 42 minutes.
Le
peau-à-peau et le clampage tardif du cordon, prévus dans notre projet
de naissance, ne seront pas possibles. L'axolotl est violette et respire
mal, on l'emmène pour l'aspirer un peu (dans la même pièce,
heureusement). J'ai juste le temps de constater qu'elle est toute brune,
là où son frère était blond. Je me sens terriblement coupable. Petite
consolation : la délivrance, elle, ressemble à une formalité après ce
que je viens de traverser.
Enfin, on me ramène ma fille. À
mon
contact, elle se réchauffe et rosit. Je n’ai malheureusement pas
le droit de lui proposer la tétée en raison d’un mauvais résultat
au test ph ; on se rattrapera plus tard. Je la garde contre moi pendant
que la sage-femme me recoud en m'expliquant tout ce qu'elle fait.
Et on nous laisse seuls, tous les trois, à se découvrir en douceur, inondés d'amour.
Pour tout vous avouer, il m'a fallu un petit moment pour digérer cette
nouvelle naissance. Sur le papier, j'ai eu tout ce que je voulais : un
accouchement par voie basse, sans péridurale. Dans les faits, j'ai eu du
mal à accepter les sentiments négatifs que cela m'a inspiré. Ce
découragement, lié à la souffrance. Ce sentiment d'impuissance pendant
la poussée, puis de culpabilité juste après avoir mis au monde ma fille.
Je pensais que je me sentirais forte, puissante. J'avais idéalisé ce
moment.
Aujourd'hui, je porte
néanmoins un regard positif sur cet événement. Je me suis battue pour
que ma fille naisse comme je l'estimais le mieux, et j'ai fait de mon
mieux avec les armes dont je disposais (c'est-à-dire pas l'idéal : une
salle d'accouchement en milieu hospitalier dans laquelle des personnes
étrangères à mon accouchement venaient parfois récupérer du matériel,
peu de liberté dans les positions adoptées... autant d'obstacles à un
accouchement physiologique). Et malgré les doutes qui m'ont traversée,
je ne referais finalement pas autrement - ne serait-ce que pour la joie
de pouvoir ensuite m'occuper moi-même de mon bébé, en toute autonomie,
ce que je n'avais pas connu pour l'hippocampe.
Et puis l'essentiel était là, finalement : l'axolotl, lovée contre moi, en parfaite santé, après tous ces mois passés l'une avec l'autre.
Le premier jour du début de notre vie ensemble.
Témoignage très émouvant et je comprends ton ambivalence vis à vis de cette naissance. Ce qui est sûr c'est que tu as fais au mieux avec les contraintes qu'on t'a imposées.
RépondreSupprimerMerci pour ce gentil commentaire. Une naissance est un moment vraiment intense où les sentiments négatifs peuvent aussi avoir leur place : je me sens à présent plus en paix avec cette idée.
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