Ambivalence

Quand je pense au premier trimestre de grossesse, à l'horreur de vomir partout, à tous moments, à l'état de faiblesse physique et de mal-être psychologique... 

Quand je pense à la plénitude de mon ventre arrondi et à la sensation indescriptible de ces petits mouvements au creux de moi...

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Quand je pense à la beauté violente de la première rencontre, à ce moment d'une intensité inouïe dans la vie d'une femme, et quand je lis des témoignages avec émotion et, parfois, toujours, une pointe d'envie...
 
Quand je songe au caractère toujours imprévisible d'une naissance, quand je repense aux nombreux obstacles pour vivre ce moment comme je l'entendais, quand je me rappelle les émotions négatives qui m'ont envahie, quand je réalise que non, tenter un troisième accouchement dans l'espoir de guérir les blessures laissées par les deux premiers ne serait PAS une bonne idée.
 
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Quand je me réjouis de laisser derrière moi le premier trimestre de mon bébé, cet âge du nourrisson que j'ai trouvé encore une fois bien difficile à traverser.
 
Quand je prends conscience que je ne tiendrai peut-être plus jamais un tout petit bout d'être humain, né de moi, blotti dans mon cou et dans mon odeur de lait.

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Quand je m'émerveille de voir ma fille grandir, que j'assiste à ses découvertes, ses apprentissages, et que je trouve si beau de voir sa personnalité se dessiner peu à peu... Quand je me dis qu'il n'y a rien de plus beau que cette rencontre-là, avec un être en devenir et déjà si complet...

Quand je me consacre si fort à mes deux enfants que je n'ai plus beaucoup à m'offrir à moi-même. Quand je me dis qu'aimer et élever aussi correctement que possible deux êtres humains, c'est déjà un sacré défi, en plus d'une chance incroyable.

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Quand je pense à la chance, justement. Celle qui nous a permis d'avoir deux enfants en bonne santé, en deux grossesses. J'en sais toute la préciosité.
Quand je pense à la peur...

Quand je pense à l'amour. À la folie rêveuse et pétillante. À tous ces sentiments insouciants qui escortent les enfants quand la vie les traite comme elle devrait toujours les traiter, et que je goûte à travers eux en les accompagnant pas à pas.

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 Quand je n'arrive pas à envisager de revendre le matériel de puériculture.
 
Quand j'ai hâte de partager avec mes deux enfants des jeux et des sorties de plus grands.
 
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Quand je me dis que deux enfants est un choix raisonnable. Un choix adapté à notre situation, à nos caractères, à notre façon d'éduquer, à notre voiture, à notre maison.
 
Quand je rêve devant les photos de familles (très) nombreuses en enviant sans doute un peu leur folie et leur façon de sortir du cadre.

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Quand je me dis qu'un troisième enfant aurait l'avantage d'être une cerise sur le gâteau, celui duquel on n'attend rien et qui peut donc tout se permettre.

Quand je me rappelle que c'est ce qu'il faudrait penser de tout enfant.
 
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Quand je suis épuisée par l'enchaînement de mauvaises nuits et que j'attends avec espoir qu'arrive le moment où je n'aurai plus à gérer le sommeil d'autrui.
 
Quand je compte qu'il me reste sans doute environ quinze ans de fertilité et que j'ai peur qu'une envie douloureuse me rattrape un jour. Plus forte que l'envie de dormir une nuit entière.
 
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Quand je songe aux familles de cinq, cinq comme celle dans laquelle j'ai grandi, cinq comme les cinq doigts de la main. Ces familles que je crois peut-être plus complètes.

Quand je repense à ce qui nous rend complets, nous, jusqu'au drôle de phénomène d'écho entre nos dates de naissance (05/07, 29/11, 29/12, 05/08).
 
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Quand je discute avec Glenn et que sa position sur le sujet ne fait guère de doute.

Quand de mon côté je n'arrive pas à prononcer le mot "jamais".

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Quand je me demande ce qu'il y a après le tourbillon de la petite enfance, et que le retour au calme me ferait presque un peu peur.

Quand je songe à tous nos projets, ceux qui brûlent déjà dans nos cœurs, ceux qui occupent déjà des miettes de nos journées, ceux qui ne demandent qu'à s'épanouir.
 
 

Je suis ambivalente. J'oscille encore souvent.
Tout de suite après la naissance de l'axolotl, j'étais sûre de moi. Quelques mois plus tard, cette conviction n'en était plus une.
Aujourd'hui je crois cependant que la balance penche du côté "on s'arrête là". Au moins pour les prochaines années, j'ai envie de m'offrir la possibilité de me consacrer aussi à autre chose que la maternité.
Pourtant je ne suis pas sûre de ne pas en éprouver de regret, demain, dans un an, dans cinq ans... Et je me demande si on se console vraiment un jour de ne plus porter d'enfant.
 
 
PS : cet article fait écho à celui-là, lu il y a un moment, et que je vous recommande.
 
 

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